Principe d’incertitude III - 23x23x21cm, avril 2017 :
Cette œuvre s’inscrit dans une série nommée « Formes Libres », dans laquelle figure le déploiement dans l’espace d’une force en mouvement. Ses pièces n’ont donc pas de base, et peuvent se positionner dans plusieurs sens.
A la fois transparent et opaque, fragile et résistant, stable et instable… C’est un matériau amorphe qui peut être présenté à la fois comme un solide ou un liquide, et en dépit d’une apparente stabilité il est en réalité un matériau « hors d’équilibre ».
En langage scientifique c’est une structure atomique instable, désordonnée comme un liquide mais figée comme un solide.
Mes sculptures s’attachent à représenter ce flux de matière instable. Ce sont des forces en mouvement arrêtées dans le temps et l’espace, semblables à une vague arrêtée dans sa course par le gel. Une image fixée tel un instant photographique. J’aime donner l’illusion d’un temps suspendu entre ce qui a été (la forme en développement) et ce qui deviendra (l’imaginaire qui continue le déploiement de la matière).
Proches de l’abstraction, elles permettent de proposer une vue de l’esprit, d’interpeller l’inconscient et l’imaginaire du spectateur, libre de recevoir et d’y projeter ce qu’il veut.
Mise au point par mon arrière grand-père François Décorchemont au début du XXe siècle, elle m’a été transmise par mon père Etienne Leperlier (sculpteur sur verre), et c’est dans l’atelier familial que j’exerce ma création.
C’est une technique et une matière personnalisée qui s’enrichie en la pratiquant. Maitrisée, elle permet de créer sa matière, ses couleurs, son aspect.
Chaque sculpture est le résultat d'un travail intuitif, empirique et parfois improvisé. Le processus de création s’inscrit dans la durée et au cours de l’élaboration je suis dans l'incertitude du résultat, la sculpture évolue dans le temps.
Ce que je montre comme résultat final, n’est jamais ce que je j’imaginais au départ. Menacé à chaque progression, à chaque imprévu d’ordre conceptuel, matériel ou lié à la gestuelle, l’œuvre évolue, change de direction au fur et à mesure de la création.
La pâte de verre impose des contraintes, je dois m'y plier et accepter sa nature.
Le verre est captivant car il permet aussi bien de travailler la surface que la matière interne de la sculpture. Considérer l’intérieur du volume tout en faisant jouer un rôle primordial à la lumière est une de mes principales préoccupations.
La pâte de verre me permet d’explorer de nombreuses thématiques comme la relation entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’endroit et l’envers, le plein et le vide, l’opacité et la transparence.
Mes créations sont des structures qui rythment l’espace, caractérisées par un jeu de lignes et de courbes. Concevoir le vide comme matière sculpturale, c’est aussi questionner notre rapport à l’espace. Mes sculptures sont des formes libres en tension, qui forcent la matière au seuil de la cassure. Comme une mise en volume d’un langage graphique, elles semblent être figées dans leur mouvement. Donnant ainsi, une impression cristallisée d’un long processus de création.
Juliette Leperlier est une artiste de la pâte de verre, héritière d’une lignée prestigieuse d’artistes, dont son arrière-grand-père, François Décorchemont, a affiné cette technique de moulage à la cire perdue. Son père, Etienne Leperlier, et son oncle, Antoine Leperlier, ont poursuivi leurs recherches sur les champs du possible de cette matière. Disposant d’un patrimoine familial et artistique hors du commun, Juliette a décidé d’apprivoiser la pâte de verre, de se libérer des codes et de construire une ligne personnelle et singulière.
Elle a donc suivi des études d’arts appliqués en sculpture à L’ENSAAMA (Olivier de Serres à Paris), puis un Master d’Arts Plastiques à la Sorbonne pour découvrir d’autres techniques, d’autres matières et ainsi s’éloigner de l’héritage familial.
A la fin de ses études, elle a choisi non pas de « revenir » à la pâte de verre, mais de commencer une nouvelle exploration de la matière, en repoussant les limites de la création.
En 2014, elle reprend l’atelier de son père, pour se consacrer pleinement à sa création et devient lauréate du prix régional des Ateliers d’Art de France (Normandie).